1. Profil d’une communauté

3,2 %, soit un peu plus d’un million de Canadiens se sont déclarés musulmans lors de l’enquête nationale des ménages (recensement de 2011). Le nombre des musulmans a ainsi enregistré une hausse de 17,4 %, par rapport au recensement de 2006[1].

Du point de vue de l’appartenance religieuse, les musulmans sont la communauté qui a connu la plus forte croissance entre les années 1991 et 2001, leur nombre est passé à plus du double de 253 000 à près de 580 000 personnes, et d’une proportion de moins de 1 % de la population totale du Canada en 1991 à 2 %, en 2001[2].

C’est une communauté jeune et récente d’installation. L’installation des musulmans au Canada est très récente. Leur nombre est estimé actuellement à plus d’un million de personnes. Leur établissement dans ce pays lointain a commencé d’une façon très timide dès la fin du XIX soit dès 1870. D’une dizaine de personnes, son nombre devait connaître une croissance exponentielle, dès la fin des années 1970 et début des années 1980.

À quel rythme ont-ils afflué ?  

Leur nombre s’élevait à 13 en 1871, à 478 en 1921 et à 645 en 1931[3]. Après l’annulation de la loi restrictive de l’immigration, leur nombre a augmenté pour atteindre, 33 370 personnes en 1970, 100 000 personnes en 1981, 253 265 personnes en 1991, 579 640 personnes en 2001, 842 200 personnes en 2006 et un peu plus d’un million en 2011[4].

Statistique Canada projette leur nombre à 1 400 000 en 2017. Ceci ramènerait leur part à 4,64 % de la population totale canadienne estimée à 36 591 241 en 2017.

Plusieurs raisons viennent expliquer cette croissance :

  • La politique d’accueil, que la Canada a adoptée pour parer à son déficit démographique, démontrant beaucoup d’ouverture à la diversité culturelle[6].
  • La situation sécuritaire et l’instabilité due aux guerres dans certains pays d’origine.
  • La volonté de certaines familles de profiter d’une ouverture pour explorer de nouvelles opportunités, d’autant plus que le Canada affiche une attitude d’ouverture et d’accueil très différente de l’hostilité de certains pays d’Europe, dont la France[7].

Ils se sont installés au début dans les provinces de l’Ontario et de l’Alberta, et dans la province de Québec après les années trente. La première mosquée a pris naissance à Edmonton, dans la province d’Alberta en 1938[8].

D’après les données du recensement de 2011, plus des 2/3 des musulmans du Canada sont installés dans les trois grandes régions métropolitaines de recensement, à raison de 424 900 à Toronto, 221 000 à Montréal et 73 200 à Vancouver.

Qui sont les musulmans du Québec ?

Conformément au profil linguistique, les Maghrébins en majorité, francophones, s’établissent au Québec, alors que les musulmans originaires d’Asie et du Moyen-Orient se dirigent en majorité vers l’Ontario.

Les musulmans établis au Québec comptaient en 2011 (d’après l’Enquête nationale des ménages, recensement de 2011), 243 430 personnes, soit à peu près le 1/4 des musulmans du Canada. Ils composent ainsi 3,08 % de la population totale du Québec. Ils sont estimés à quelque 350 000 en 2017, ce qui ramènerait leur part à 4,18 % de la population totale du Québec estimée à 8 371 498 en avril 2017. 

90,8 % des musulmans du Québec, résident dans la région métropolitaine de Montréal. Ils sont dans l’ordre : 221 040 à Montréal, 25 740 à Laval, 7 190 à Gatineau, 6 760 à Québec, 2 610 à Sherbrooke, 910 à Trois-Rivières et 335 à Saguenay.

Depuis la naissance de la première mosquée au Québec, en 1965, ‘le centre islamique du Québec, ICQ’, située à Ville Saint-Laurent, les musulmans du Québec se sont dotés de plus de 70 mosquées et centres communautaires.

2. Problèmes et enjeux

Le problème de la discrimination, surtout à l’emploi

Le problème de la discrimination à l’emploi est de loin, le plus pesant et le plus important, compte tenu de ses effets. En plus des témoignages des personnes qui en subissent continuellement les effets, il est confirmé par les différents sondages et études menés sur la question.

Il ressort en effet d’une étude toute fraîche (2012) de l’Institut de recherche et d’informations économiques (IRIS), qu’avec des taux de scolarisation largement plus élevés que la moyenne des Québécois d’origine, les immigrants affichent des taux de chômage de deux à trois fois plus élevés[9]

Si la reconnaissance des acquis et l’absence de l’expérience canadienne ou québécoise sont les principales causes avancées, une grande part revient aux préjugés. Et, si tous les immigrants en subissent leur part, ce sont surtout les musulmans (avec les noirs et les latinos) qui sont les plus visés, surtout après les événements du 11 septembre 2001[10].

La discrimination prend plusieurs formes, dont la discrimination à l’emploi, l’hostilité manifeste, la couverture médiatique négative, etc. Elle entraîne de lourdes conséquences, aussi bien sur l’individu que sur la famille et le groupe, qui engendrent exclusion, repli et fermeture, pauvreté, conflits familiaux, etc.

Les gouvernements des deux paliers très conscients d’un problème qui ne cache pas son visage, initient des politiques de lutte contre la discrimination et engagent certaines actions dans le but de faciliter l’accès à l’emploi aux personnes issues de l’immigration et qualifiées de minorités visibles[11].

Les organismes communautaires très actifs sur le terrain, multiplient les efforts pour sensibiliser les pouvoirs publics sur la menace que la discrimination exerce aussi bien sur les individus, leurs familles que sur la collectivité toute entière. Ces organismes se mobilisent et avec le soutien financier du gouvernement pour gérer des programmes d’aide à l’emploi. Des groupes de recherche se mobilisent à leur tour et investissent des efforts dans l’approche du phénomène de la discrimination et des questions liées à la gestion de la diversité[12].

En dépit de tous ces efforts, les manœuvres électoralistes et les couvertures médiatiques négatives, viennent d’un moment à l’autre réactiver des sensibilités et nourrir l’opinion publique d’images négatives sur l’autre et surtout le musulman ; ce qui alimente plus de phobie, suscite plus d’hostilité et vient encore creuser des fossés entre les uns et les autres, soit des nous et des eux.

Les résultats du recensement de 2011 confirment ce phénomène, à titre d’exemple :

Les immigrants d’origine maghrébine du Québec sont très scolarisés. Un peu moins de la moitié (41,4 %) des personnes de cette communauté, âgées de 15 ans et plus, détiennent un grade universitaire ; cette part relative est significativement plus élevée que celle de l’ensemble de la population québécoise (18,6 %).

Le taux de chômage que la communauté subit est presque trois fois supérieur à celui de l’ensemble de la population du Québec (17,1 % contre 7,2 %).

Le revenu moyen (20 281 $) et le revenu médian (29 932 $) des membres de la communauté maghrébine sont inférieurs à ceux de l’ensemble de la population du Québec (respectivement de 36 352 $ et 28 099)[13].

Croisement des cultures, intégration, mode et rythme de vie

Il est certain que le changement de milieu culturel constitue tout un défi. Quitter son milieu d’origine, ses repères et ses références pour s’installer dans un autre milieu, nécessite tout un exercice d’adaptation, surtout, dans un milieu où les codes ne sont pas du tout les mêmes, et où la diversité est la caractéristique principale.

Aux tournures langagières non familières viennent s’ajouter les effets des représentations culturelles que les uns et les autres se font du monde, du temps et de l’espace. Ceci confirme que vivre en harmonie avec l’autre, nécessite un effort mutuel de compréhension, de tolérance, de partage et d’échange. Ceci affecte la vie au quotidien des individus. Comment se tenir à une distance qui ne dérange pas son interlocuteur ? Quels sont les gestes malvenus ? Quelle conduite suivre dans l’une ou dans l’autre des circonstances ? L’adaptation à un nouveau mode de vie, aux standards et rythmes différents ? Sont toutes des questions qui suggèrent tout un défi.

Dans une société qui a ses particularités et ses traditions et qui vient de s’affranchir de l’emprise du pouvoir de l’église, la manifestation religieuse dans l’espace public soulève des soupçons et réveille des inquiétudes. L’expression religieuse que les immigrants affichent, et plus particulièrement les musulmans, suscite par endroit les sensibilités des Québécois. Les débats sur les accommodements raisonnables ont été occasionnés par cette sensibilité et ont donné lieu à des échanges passionnés sur la place de la religion dans l’espace public[14].

Depuis la révolution tranquille au Québec, la femme reprend largement son autonomie, sa liberté et ses droits. L’autonomie dont jouit la femme, jugée comme exagérée aux yeux de certains maris provoque assez souvent des différends. La femme porte exclusivement son nom de jeune fille ; elle est la destinataire des allocations familiales ; elle n’a nul besoin que son mari la représente ou parle à son nom, etc. Ces situations ont souvent exposé les couples à des irritants.

Depuis la révolution tranquille au Québec, la société a accompli un effort considérable d’institutionnalisation.  Les institutions de protection des femmes, des enfants et de la jeunesse sont très attentives et sensibles à la question de la violence. Les femmes peuvent se plaindre auprès des institutions de protection des femmes contre les abus et la violence des maris.  Les enfants sont encouragés à signaler tout abus ou violence subis des parents. L’école signale toute marque ou signe extérieur de violence à la DPJ (direction de la protection de la jeunesse), qui n’hésite pas à intervenir, pouvant aller jusqu’à confier la garde de l’enfant à l’institution publique ou à une famille d’accueil. L’intervention de la DPJ ouvre la voie au déclassement de l’autorité des parents, au profit de l’institution publique, qui tend ici à prendre toute la place que la famille, comprise dans son sens le plus large occupait dans les cultures plus collectivistes, dont sont issues la plupart des personnes de la communauté.

D’un autre côté, la notion de violence est différemment perçue dans les différentes cultures, quant à sa forme, son intensité, ses effets et ses circonstances ; de ce fait, beaucoup de conflits de codes génèrent des situations peu agréables pour les parents. Une fessée considérée chez certains comme mesure punitive, est pour d’autres, considérée comme un geste violent, etc.

Un effort d’adaptation pour pouvoir s’harmoniser avec le nouveau milieu est un défi de taille.

La famille menacée d’éclatement

Même s’il n’y a pas de statistiques officielles pour soutenir les faits, les différents témoignages font état d’un nombre élevé et croissant des cas de divorce et d’éclatement familial, parmi la communauté[15].  Ces témoignages soutiennent que des unions non fondées, sont facilement secouées à la moindre épreuve. Bien des situations sont rapportées comme étant à l’origine de l’éclatement familial, dont :

  • Les conditions du milieu, les chocs culturels,  les normes et standards du milieu peu familiers.
  • Les problèmes d’argent et de manque de ressources, le non-accès à l’emploi, les disputes des couples autour des questions de finances, etc.

L’éducation des enfants : un enjeu de taille

Les risques auxquels peuvent être exposés les enfants, nécessitent une attention particulière.  Parmi ces risques on peut citer les risques de fugue, de décrochage scolaire, de délinquance, de drogues et autres. Il n’y a pas de statistiques par origine ethnique pour pouvoir évaluer l’ampleur du phénomène au sein de la communauté. Si ces problèmes sont attribuables à plusieurs facteurs de milieu et de personne, et ne cessent de menacer d’une façon générale tous les enfants et les jeunes, certains facteurs spécifiques viennent contribuer à l’aggravation de ces risques, dont :

  • La négligence parentale ; à cet effet il faut souligner les effets du rythme accéléré de la vie quotidienne, de l’intensité des activités et des responsabilités, des longues distances à parcourir, de la pression du travail parfois excessif et intense, qui affaiblissent la capacité parentale en matière d’encadrement et d’éducation des enfants.
  • Les standards et normes du milieu, qui parfois déstabilisent l’autorité parentale, lorsque l’approche éducative familiale entre en conflit et en contradiction avec les normes du système qui tendent à privilégier une approche éducative plus permissive, accordant plus de liberté à l’enfant.
  • Le conflit de normes et les risques du milieu.

Si certains témoignages rapportent des situations peu réconfortantes, d’autres viennent confirmer l’idée que les immigrants accordent une importance particulière à l’éducation de leurs enfants. Selon les témoignages des élèves qui fréquentaient en 2012 l’école internationale de Laval, (une école secondaire très sélective où sont admis à toutes les années par voie de concours, que 300 sur les 1600 qui s’y présentent), il y aurait une proportion de 50 % d’origine immigrante et dans une classe de trente, pas moins de huit sont de confession musulmane. Des treize élèves au total d’une classe de 6 année de l’école musulmane ACL à Laval, sept se sont présenté·e·s) au concours de l’École internationale en 2012. Et, des sept qui se sont présenté·e·s), quatre ont été admis, soit plus de 50 %.

Sur l’identité et autres aspects de la vie religieuse et culturelle

En ce qui concerne la vie religieuse, dans un pays de droit et de liberté, la liberté  de culte est garantie par la charte des droits de la personne. Les musulmans jouissent en toute  liberté du droit de l’exercice religieux. Ils se voient octroyer des permis pour l’ouverture de mosquées, d’écoles, de garderies et de centres culturels. On compte au Québec seulement plus de 70 mosquées et centres culturels, dont pas moins de 60 sont localisés dans la région métropolitaine de Montréal. Celles-ci assurent plusieurs fonctions : les services des prières,  la célébration des cérémonies religieuses, l’école coranique, etc.

Certains imams sont reconnus par le directeur d’État civil pour célébrer les mariages.

Dans le domaine funéraire, depuis les années 1990, les musulmans du Québec ne disposent que de deux cimetières confessionnels presque saturés, un sunnite (géré par l’ICQ) et l’autre chiite, tous les deux à Laval. Récemment, quatre carrés ont été réservés aux musulmans dans des cimetières non confessionnels, à Saint-Hubert, Dollard-des-Ormeaux, Laval et à Québec. En plus des organismes de supervision déjà en place, un nouvel acteur fait surface, l’ASMQ, association de la sépulture musulmane du Québec.

Les cérémonies religieuses, dont : le Ramadan, les Aïds, le Mawlid, etc., sont célébrées collectivement, massivement et en toute liberté.

Au niveau culinaire et alimentaire, aucun problème ne se pose, étant donné la disponibilité de tous les produits halal, grâce aux efforts des commerçants issus de la communauté, qui ne cessent de développer leurs activités et réseaux, un peu partout.

Les écoles privées islamiques et aussi les services de gardes annexés sont reconnus et subventionnés en partie par le gouvernement. Ces écoles se conforment au programme officiel et aux normes du Québec et dispensent en plus, des cours de religion musulmane et de langue arabe. Les mosquées assurent à leur compte des cours de religion et de langue arabe, durant les fins de semaine, pour les enfants de la communauté qui le désirent.

Certaines situations nécessitent parfois un aménagement ou un traitement spécial trouvant issues dans le cadre des accommodements raisonnables[16].  Elles concernent notamment, des questions de menu dans les garderies, les conditions d’exercice du sport (la natation pour les filles à l’école).

La sensibilité à l’égard de la différence

La manifestation religieuse dans l’espace public, dans un contexte sensible et même hostile à la religion,  donne lieu par moments à une médiatisation négative qui vient nourrir le sentiment de peur et susciter de la sensibilité à l’égard des musulmans, entre autres, lorsque les médias et les manœuvres politiciennes en font leur cheval de bataille. La présence pressante et imposante des signes de la différence (rendue possible grâce à la visibilité des signes religieux, tels que le hidjab) génère une certaine sensibilité et vient alimenter le sentiment de peur de l’autre. Certains médias à la recherche du sensationnel  guettent des occasions et ne ménagent aucun effort, pour susciter la controverse. Lorsque venue la célébration de l’Aïd al Adha, une campagne de vigilance est menée pour prévenir les sacrifices qui ne se conforment pas aux normes de santé. Le port du niqab dans l’espace public ;  les demandes  d’aménagement de lieux de prières dans les universités et autres espaces publics ; les demandes excessives d’accommodements raisonnables et les autres conduites jugées comme excessives sont toutes des occasions qui nourrissent les scoops médiatiques et contribuent à la détérioration de l’image du musulman et viennent nourrir la peur, les hostilités et les clivages au sein de la société.

Et, d’autres enjeux

En matière de finances, il faut noter que toute l’économie fonctionne selon les normes et lois de l’économie monétaire, où l’usage presque général de prêt à intérêt, pose un problème aux musulmans qui veulent se lancer en affaires tout en se conformant aux règles islamiques en la matière. Le système de prêt avec intérêt prive en partie certains musulmans de profiter d’opportunités d’affaires et de financement.

Les clivages importés des pays d’origine ne favorisent pas la formation de réseaux et par conséquent, les liens de  solidarité.

Les discours dispensés dans les mosquées ne s’harmonisent pas souvent avec la réalité du milieu. Rien ne distingue un discours donné dans une mosquée au Canada au XXIᵉ, d’un discours donné n’importe où et à n’importe quelle époque, comme si le temps est figé dans l’esprit des prêches religieux. Non seulement l’enseignement dispensé n’accorde que peu d’intérêt aux problématiques vécues par la communauté, mais diffuse un message défensif et résistant contre les dangers imaginaires d’une possible assimilation par le milieu d’accueil.

Le modèle éducatif en vigueur manque de vision quant à la promotion  d’un modèle habilitant l’enfant à une intégration harmonieuse, combinant entre conscience identitaire et engagement citoyen.

Les opportunités d’échange et les rencontres positives de l’autre

Il n’en demeure pas moins que certaines actions de rapprochement et de partage ne manquent pas d’exercer une influence et de porter leurs fruits, quant à la  déconstruction des préjugés et  la lutte contre le racisme et les clivages, on peut citer notamment à cet effet que :

  • Le cours d’éthique instauré dans le programme d’enseignement secondaire public est né de l’influence que les immigrants exercent, en faveur d’un enseignement déconfessionnalisé et adapté à la diversité.  Aussi, la présence d’immigrants a induit chez les enfants québécois un regain d’intérêt sur les questions de spiritualité et de religion.
  • La popularité que le Ramadan a acquis au sein de la société canadienne en général, étant devenu le rituel musulman le plus connu et le plus partagé, grâce à la tradition de partage que les musulmans ont instaurée, selon laquelle les mosquées et certains autres organismes organisent des Iftars collectifs, auxquels sont conviés des citoyens et des acteurs de la société, chaque année.
  • L’activité des portes ouvertes est aussi une tradition que certaines mosquées ont adoptée, dans l’esprit de favoriser le rapprochement et de construire des liens et des ponts avec les autres citoyens, les invitant à partager, lors des portes ouvertes,  des questions de vie commune, de l’islam et de la vie des musulmans et leur croyance.
  • La tradition des Iftars collectifs entre musulmans regroupant des membres de la communauté musulmane en dépit de leurs origines ethniques, favorables à la construction des liens entre les musulmans et au renforcement des valeurs de solidarité et sentiment d’appartenance.
  • Les soupers offerts aux nécessiteux, organisés et initiés par certains organismes communautaires, dans un esprit de rapprochement et de partage.

3. Défis  et  perspectives

 L’avenir est à la diversité

Pour illustrer le poids de la diversité au Canada, les résultats de l’enquête auprès des ménages, au recensement de 2011 nous renseignent que 200 origines ethniques ont été déclarées au Canada.

Les statistiques projettent un rang important à la diversité au Canada. En effet, selon les projections démographiques, la diversité ethnoculturelle de la population du Canada pourrait s’accroître d’ici 2031. La vaste majorité (96 %) des Canadiens appartenant à un groupe de minorités visibles pourrait habiter une des 33 régions métropolitaines de recensement, et les groupes de minorités visibles pourraient représenter 63 % de la population à Toronto, 59 % à Vancouver et 31 % à Montréal. Environ trois Canadiens sur dix, soit presque 30 % pourraient appartenir, en 2031, à un groupe de minorités visibles. La population de minorités visibles compterait au Canada et en 2031, entre 11,4 et 14,4 millions d’individus.

Les Arabes, ainsi que les Asiatiques occidentaux sont les groupes de minorités visibles qui pourraient connaître une croissance plus rapide entre 2006 et 2031. La population des Arabes du Canada pourrait ainsi compter entre 806 000 et 1,1 million de personnes en 2031 et celle des Asiatiques occidentaux entre 457 000 et 592 000 personnes, contre 276 000 et 164 000 en 2006.

La population de confessions religieuses, autres que chrétiennes, pourrait plus que doubler d’ici 2031 ; son nombre pourrait atteindre entre 5,3 et 6,8 millions individus en 2031, contre 2,5 millions en 2006. De 8 % de la population en 2006, sa proportion pourrait passer à environ 14 % en 2031.

Au sein de la population de confessions religieuses non chrétiennes, environ une personne sur deux pourrait être de religion musulmane en 2031, alors que cette proportion était estimée à 35 % en 2006[17].

Les opportunités d’un système performant

Il y a un certain nombre d’avantages qui constituent des atouts majeurs et  des opportunités de taille, que le système canadien offre à ses citoyens, dont :

  • Un système de droit, de démocratie et de libre expression, soutenu par la charte des droits et libertés ; l’autonomie des institutions dont la justice ; des politiques, des dispositifs et des mécanismes garantissant, l’intégrité, le droit et l’équité, etc.
  • Un système ouvert, où le citoyen évolue et profite de toutes les opportunités sans exclusion.
  • Un système éducatif des plus performants au monde ; (des universités de réputation mondiale et cotées dans les palmarès mondiaux ;  Un système éducatif qui ne cesse d’évoluer en fonction de l’avancée de la recherche scientifique dans les domaines de la pédagogie et de la didactique).
  • Des occasions d’affaires et des conditions d’aide, qui facilitent l’accès des citoyens au monde des affaires.
  • Un contexte de haute technologie et  de logistique de communication.
  • Un milieu où s’épanouit la culture de l’excellence de service.
  • Un mode de vie et d’habiter régis par des normes et standards de qualité.

 Les défis majeurs

Le principal défi devant la communauté reste celui d’assurer un positionnement confortable dans ce milieu ouvert et performant, où la diversité prend de plus en plus d’importance. Prendre part aux opportunités multiples que le milieu offre, car appelé à régénérer sa population vieillissante. Cet objectif passe inévitablement par un certain nombre de conditions, dont :

  • L’intégration par l’emploi, car celle-ci assure la condition essentielle pour pouvoir s’installer et adhérer confortablement à la société. Si un certain nombre d’obstacles sont reconnus, quant à l’insertion des immigrants à l’emploi, il y a moyen de les contourner par  le système de bénévolat très valorisé et reconnu, qui permet d’aller chercher l’expérience tant recherchée, ou par le retour aux études grâce à un système d’aide, afin d’obtenir le profil recherché et le diplôme exigé.
  • En matière économique, profiter des occasions d’affaires, pour un positionnement confortable dans le milieu. Pour cela, il faut que des solutions soient étudiées afin de contourner l’obstacle de financement à intérêt. Il est pertinent et urgent d’initier un débat profond et intelligent et sur une grande échelle, afin d’examiner tous les aspects de la question et de tous les points de vue et, réexaminer aussi à l’occasion les concepts et les paradigmes. Ce débat doit regrouper aussi bien des experts en finance et en économie que des jurisconsultes et des experts en sciences sociales et en politiques, afin de trouver des issues et solutions.
  • En matière de culture et de société, parvenir à assurer une intégration harmonieuse, grâce à une conciliation entre conscience identitaire, ouverture aux autres et engagement citoyen. Pour cela, il y a lieu de mobiliser tous les cadres, espaces et programmes de socialisation, dont la famille, l’école, la mosquée et autres, afin de dispenser une éducation qui concilie à la fois éthique sociale et religieuse, ouverture aux autres et engagement citoyen. 

Un travail de rénovation mentale est indispensable afin de déloger certaines malformations, dont l’esprit de dualité et de confrontation, l’excès de sacralisation et de dogmatisation qui transforme toutes nos actions en controverses et confrontations sur un fond de sacré et, maintient allumé un réflexe exagéré de défense et de résistance face à toutes les opinions et attitudes en provenance de l’autre.

Travailler davantage les questions de l’altérité de tous les points de vue, notamment du point de vue de l’éthique religieuse et sociale. À ce propos, il y a lieu de repenser les programmes de formation et cours de religion pour développer le profil d’un musulman pieu et éduqué, plutôt que le profil d’un juge en compétition avec Dieu. Parvenir à inculquer chez l’enfant  les bonnes manières de faire et développer son savoir être et, éviter de faire de lui quelqu’un qui s’octroie une immunité surhumaine, s’accordant la mission de juger les gens et de leur attribuer des places au paradis et à l’enfer.

Il y a lieu de travailler davantage la question de l’appartenance et de l’altérité, en ce sens que dans nos structures mentales, l’échelle d’appartenance est tronquée. Il est par conséquent pertinent et urgent de compléter cette échelle par la valorisation de l’éthique en matière des relations humaines, s’appuyant sur  les instructions du coran et de la tradition du prophète, relatives à la question de l’altérité, dont la relation du voisinage.

Aussi, restructurer le schéma mental de l’appartenance qui fonctionne inversement contradictoire, lorsqu’il s’agit du sens ascendant ou descendant. En ascendance, les échelles fonctionnent par inclusion, et par conséquent à l’adoption de l’autre et, inversement en descendance, la réduction de l’échelle procède à l’exclusion et par conséquent au rejet de l’autre. Cette contradiction court le danger de développer une mentalité de confrontation et ne conforte pas une attitude inclusive et harmonieuse dans son approche de l’altérité.

Il faut travailler davantage les principes de l’engagement citoyen et civique dans les programmes de formation et discours religieux, qui doivent développer davantage les valeurs de l’honnêteté, de l’intégrité, de l’engagement, du respect de l’engagement et du contrat et de l’éthique civique, en conformité avec un sens d’altérité inclusif et respectueux de l’autre, peu importe son origine. Pour cela un débat est indispensable, pertinent et urgent pour redéfinir les concepts et les questions liées à l’altérité, à la lumière de l’enseignement coranique et de la tradition du prophète. Corriger les erreurs qui sévissent dans les mentalités.  Les mosquées doivent investir dans un discours compatible à la réalité, respectueux de la diversité, conciliant entre engagement citoyen et conscience identitaire.

Conclusion

Il est temps que l’élite se questionne sur son rôle et sur les vrais enjeux et débats à initier, lesquels ? De quelle façon ? Et dans quelles conditions ? Afin de guider des sociétés confrontées à des mutations et changements importants, surtout  dans le contexte de la mondialisation et, de leurs redonner l’espoir et l’espérance tant attendus.

Le 18 août 2013/ mis à jour le 28 juillet 2017


[1] Source: Statistique Canada, immigration et diversité ethnoculturelle au Canada, d’après l’Enquête nationale auprès des ménages 2011,  à consulter au   http://www12.statcan.gc.ca/nhs-enm/2011/as-sa/99-010-x/99-010-x2011001-fra.cfm#a6,  [mis en ligne 2011 et consulté le 23-7-2017]

 [2] Source : Gouvernement du Québec, ministère de l’Immigration  et des Communautés Culturelles du Québec,  Données sur la population recensée en 2001 portant sur la religion, analyse sommaire,  Québec, publication de la Direction de la population et de la recherche,  27 mai 2003.

[3] Texte issu de la conférence tenue à Dakar en mars 2008 en guise de prélude du sommet de l’Organisation de la Conférence Islamique, sans auteur.

[4] Source : Statistique Canada, Recensement de 2001, série « analyses », Les religions au Canada, Catalogue no 96F0030XIF2001015, 13 mai 2003.

[5] Source : Gouvernement du Québec, ministère de l’immigration du Québec, Données sur la population recensée en 2001 portant sur la religion, analyse sommaire, op. Cit.

[6] Le Canada a accueilli en moyenne 229 000 immigrants chaque année de 1991 à 2006 et en moyenne 250 000 par année de 2007 à 2011. Le Québec a accueilli en moyenne 49000 immigrants par an de 2007 à 2011. Statistiques publiées par Citoyenneté et Immigration Canada (février 2012) et, le Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, Direction de la recherche et de l’analyse prospective, Québec, mars 2012.

[7] Brahim Benyoucef, « La communauté algérienne au Canada », in l’observatoire Espace et Société, Montréal, 2013. En ligne : »http://observatoire-espace-societe.com/espace-et-societe/societe/les-algeriens-du-canada-profil-d-une-communaute/ » mis en ligne le 26 aout 2013, mis à jour le 28 juillet 2017.

[8] Haddad, Yvonne Y,  révision Quadri Junaid. «Islam», In Encyclopédie canadienne, Historica-Dominion , 2012. En ligne. <http://www.thecanadianencyclopedia.com/articles/fr/islam>. Consulté le 11 juin 2013.

Statistique Canada,   «Les religions au Canada»,  In Recensement de 2001, série  analyses. Catalogue no 96F0030XIF2001015, 13 mai 2003.

The Environics Institute, «Survey of canadian muslims (2006)». En ligne. <http://www.environicsinstitute.org/institute-projects/completed-projects/survey-canadian-muslims> Consulté le 11 juin 2013.

[9] Louise Leduc, «Taux  de chômage criant  chez les immigrants», in La Presse.ca, édit. 27 novembre 2012,  <http://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/national/201211/27/01-4598152-taux-de-chomage-criant-chez-les-immigrants-particulierement-au-quebec.php>

CDPDJ (Commission des droits de la personne  du Québec), «Profilage  racial et discrimination systématique des jeunes racisés»,rapport de consultation adopté le 25 mars 2011, édition électronique, <http://www.cdpdj.qc.ca/publications/documents/profilage_rapport_fr.pdf>

[10]  Marie Cadorette-Dionne,  »Les représentations sociales des musulmans chez un groupe d’employeur », mémoire de maîtrise en sociologie, sous la direction de Rachad Antonius, UQAM, 2009, édition électronique, < http://www.collectionscanada.gc.ca/obj/thesescanada/vol2/QMUQ/TC-QMUQ-2404.pdf>

[11] Gouvernement Du Québec,  »Pour une politique de lutte contre le racisme et la discrimination » , 2006, édition électronique, <http://www.micc.gouv.qc.ca/publications/fr/dossiers/Consultation-Politique-Lutte-Racisme-Synthese.pdf>

[12] Voir entre autres les travaux de Métropolis (réseau international de recherche sur la diversité et la gestion de la diversité), <http://canada.metropolis.net/generalinfo/index_f.html>   

[13]  Source: Gouvernement du Québec, ‘Portrait statistique des groupes ethnoculturels, (d’après l’Enquête nationale des ménages, recensement de 2011), Québec, disponible en ligne au http://www.quebecinterculturel.gouv.qc.ca/fr/diversite-ethnoculturelle/stats-groupes-ethno/enm-2011.html, mise à jour le 4/3/2016 et consulté le 27/7/2017.

 [14] Brahim Benyoucef, ‘Les accommodements raisonnables, danger d’une manœuvre électoraliste », in Maghreb Canada Express,Montréal, Vol. IV N° 12, Page 7, décembre 2006, édition électronique http://www.maghreb-canada.ca/Archives/12-2006.htm.

 Brahim Benyoucef,  »La charte de la laïcité, enjeu ou manœuvre? », in Maghreb Canada Express, Vol. X N°08 et 09″,  Montréal, Septembre 2012,  édition électronique<http://www.maghreb-canada.ca/Archives/110-111-2012.htm>

[15]Trop de divorce chez les maghrébins, forum de discussion sur le net, <http://erableatlas.superforum.fr/t11897-trop-de-divorce-chez-les-maghrebins-au-canadattp://www.blednet.com/article-divorce-a-l-algerienne-au-canada-110869747.html> 4 mars 2009.

 [16] Le principe des accommodements raisonnables désigne un mécanisme juridique qui accorde la possibilité d’un aménagement spécial du règlement, afin de permettre un accès équitable aux services publics à tous les citoyens, compte tenu d’un handicap physique, une considération religieuse, etc.

[17] Source: Statistique Canada, Division de la démographie, projections de la diversité de la population canadienne, 2006 à 2031, Ottawa, mars 2010)

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