La mobilité accélérée pour ne pas dire libre, de personnes, de biens, de services et de l’information dans le contexte de la mondialisation et de la révolution informatique, nous interpelle à plus d’un endroit.

En matière d’immigration, on distingue deux types de mouvements, l’immigration clandestine et l’immigration officielle ou légale. Le premier type concerne le passage illégal de personnes de certains pays vers d’autres. L’immigration clandestine ou illégale, plus active ces deux dernières décennies soulève un grand nombre de problématiques. Elle est déclarée officiellement par L’ONU, comme problème mondial. Les pays dits du Sud, d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine et aussi, ceux de l’Europe de l’Est sont réputés être des pays de départ. Les passagers empruntent les voies difficiles des déserts, pour aboutir aux côtes, à partir desquelles ils commencent leur aventure avec la mer, dans des chaloupes et embarcations précaires, moyennant des sommes faramineuses. Parfois, ils voyagent cachés dans des cargaisons etc. Les pays d’Europe occidentale et de l’Amérique du Nord sont réputés être les destinations ciblées. Les pays côtiers, comme l’Italie, la Grèce et l’Espagne et les côtes turques, etc. sont réputés servir de passages-transit. Ces clandestins fuient non seulement la pauvreté, mais aussi et surtout leurs conditions pénibles de vie. Ils prennent des risques inimaginables pour arriver à leurs fins. Le phénomène de l’immigration clandestine prend de plus en plus d’ampleur depuis presque deux décennies, sous l’effet de la mondialisation, de la crise économique mondiale, des guerres et des conditions d’instabilité dans certaines parties du monde. Le phénomène soulève plusieurs problématiques à la fois sociales, politiques, économiques et sécuritaires et, suggère plusieurs pistes de recherches, afin de comprendre et d’approcher le phénomène.

Quelques chiffrent pour mesurer l’ampleur du problème

  • Le dernier rapport du réseau Migeurop, parle de 5 morts par jour en moyenne, aux frontières européennes, en 2011(1) ;
  • la presse rapporte quelques 18000 morts aux frontières de l’Europe entre 1988 et 2010, disparus en mer, morts par asphyxie ou hypothermie dans des conteneurs, disparus dans le désert avant de regagner les côtes ou morts sous le feu des agents de frontière(2) ;
  • Il faut cependant remarquer que ces chiffres ne peuvent réellement rendre compte de la réalité, car dans un contexte de clandestinité, il n’est pas facile de dresser un bilan fiable.

À propos de l’activité de trafic de migrants

Il est certain que l’immigration clandestine ne pouvait connaître une telle ampleur sans l’existence de réseaux de trafiquants et passeurs. Ces réseaux ont donné naissance à une activité fortement rentable qui englobe des filières installées aussi bien dans les pays de départ que dans les pays d’accueil, très actives dans le trafic de migrants et dans l’immigration clandestine. Si certaines agences de voyages font le relais et la liaison avec les passeurs dans les pays de départ, les immigrants sont accueillis à l’arrivée par d’autres filières du réseau qui les installent dans des logements insalubres et dans des conditions lamentables, et se chargent de la liaison avec les employeurs qui tirent profit d’une main d’œuvre peu coûteuse, qui leur épargne presque 50 % des coûts (dont ceux liés aux charges). Il ressort des chiffres rapportés par les différents rapports, que le nombre de migrants clandestins s’élève dans le monde à quelques 200 millions, dont 15 millions ont été transportés par des passeurs professionnels. On estime à quatre millions les personnes impliquées dans le trafic de migrants et, à sept milliards de dollars, les fonds impliqués dans cette activité à travers le monde(3).

Un mot sur les conditions de vie des immigrants illégaux

Les conditions de vie pénibles dont souffrent les immigrants clandestins une fois arrivés, constituent un autre volet de la problématique. S’ils survivent à tous les risques, ils passent le reste de leur résidence en cachette et sous l’emprise d’emplois durs, exigeants, pénibles et peu payants (notamment dans les champs et dans les fermes). Très vite, ils s’aperçoivent que le rêve n’est que mirage et leur vie se transforme vite en cauchemar. Non seulement ils subissent les conditions de vie les plus pénibles, les conditions d’exploitation dans des emplois peu rémunérés et physiquement exigeants, mais aussi et surtout ils s’exposent à tous les dangers et risques qui menacent fortement leur sécurité.  Le journal Slate Afrique rapporte dans ses faits divers, en date du 28-09-11 entre autres : « Six personnes, probablement des immigrés tunisiens illégaux, ont péri mercredi dans l’incendie apparemment accidentel d’un immeuble squatté à Pantin. Les victimes seraient des Tunisiens et des Égyptiens, « probablement » en situation irrégulière ont rapporté M. Lambert et Mme Moisson. M. Guéant a lié ce sinistre « à une réalité tragique, dramatique de l’immigration clandestine ». Il a dénoncé « des filières criminelles, qui rançonnent les candidats à l’immigration, (…) et les laissent face à une vie d’errance et de malheur ». » (4)

Le débat désorienté

Si les pays du Nord, (soit les pays d’accueil) multiplient les politiques de resserrement des contrôles aux frontières, les pays du Sud (soit les pays de départ) plongent dans un mutisme étonnant. Ces pays se contentent de compter les disparus que le large récupère ou de vanter les coups de filets que réalisent les gardes frontaliers et les gardes de côtes. Aucun souci autre, aucun débat de société n’est initié si ce n’est le durcissement des lois et des mesures punitives. Tous décidés à privilégier l’approche sécuritaire. Personne n’ose désigner ce qui peut être avec les guerres, la cause de cette fuite de populations, soit la mauvaise gouvernance, la corruption, l’exclusion et les inégalités. En effet, la mauvaise gouvernance, la fraude et la corruption à l’origine de faillite de bien des systèmes et de l’appauvrissement de peuples ne cessent de causer des désastres sociaux et économiques importants, à travers le monde. La fraude et la corruption n’ont désormais plus de frontières. Après avoir été longtemps le propre des pays où démocratie, liberté, impunité et imputabilité n’existent pas, voilà maintenant qui font la une des pays réputés développés et démocratiques. La mondialisation affecte tout et facilite la circulation de tout, même la corruption. Le phénomène bat son plein et menace les économies et les sociétés du monde entier. Un peu partout dans le monde, les scandales financiers et la corruption font la une des événements et des nouvelles, depuis que la plus récente crise économique (2009) s’est installée et ne cesse de secouer le monde. La fraude de luxe, commise par les fraudeurs en cravate est à l’origine de la crise qui sévit dans le monde et qui continue à menacer l’économie et la stabilité dans le monde, depuis 2009. Il n’est pas sans raison que la journée du 9 décembre soit dédiée désormais, à la lutte contre la corruption. L’éthique par contre, ne semble pas prendre son chemin, dans un monde qui s’appauvrit davantage en valeurs et se vide de plus en plus de son éthique. Les moindres et timides appels en faveur de la restauration de l’éthique en économie, en société ou en information, se font rejeter, au nom du dogme de la liberté absolue. L’interventionnisme est dénoncé avec vigueur et acharnement, dès que des voies se soulèvent en faveur de balises pour prévenir la fraude financière. Il y a un réel besoin d’éthique pour empêcher le monde, devenu un gros village de sombrer sous l’effet de la course que stimule la soif au pouvoir, à l’argent et à la puissance.

La culture s’implique

Le phénomène vient marquer à son tour la culture. Le mot harraga qui désigne en arabe « brûleurs » fait vite son apparition et s’installe pour désigner les brûleurs de distance ou les brûleurs de loi; soit ces immigrants clandestins. Désormais le thème est fortement présent dans la culture sociale et ne cesse d’inspirer poètes, chanteurs, cinéastes et artistes de tous bords décidés à exprimer et partager la souffrance de ces clandestins en fuite d’une misère pour sombrer dans une autre, et pour exprimer la douleur des parents impuissants devant la disparition de leurs enfants. Le thème fait de plus en plus sa place, grâce à des poèmes et chansons qui chantent la souffrance du départ, la survie en mer, le dilemme de disparaître en mer ou de pourrir sur terre et enfin la douleur des familles en deuil.

Écouter le poème d’une mère qui pleure ses enfants disparus en mer, poème émouvant chanté par Khaled dans son dernier album (2012)

Regarder le film algérien, lauréat du festival du grand film de Valence en 2009

La société civile et la communauté scientifique interpellées

Le problème suscite l’intérêt de la société civile qui se mobilise de plus en plus, pour apporter son soutien. À cet effet plusieurs associations, organismes et organes de presse sont dédiés à la cause, dont : l’ONG sénégalaise « Horizon sans frontières », l’ONG marocaine L’AFVIC (association des amis et familles des victimes de l’immigration clandestine et le site d’information ElHarraga.

La communauté scientifique à son tour s’intéresse de près au phénomène et spécialise en plus des programmes universitaires, des centres de recherches, pour étudier les phénomènes de migration, dont entre autres, le Centre européen de recherche en politiques de migration  et le Centre d’études des migrations internationales de l’université d’Oxford, etc.

Pistes de solutions?

Il est dommage de constater que la recherche de solutions privilégie une approche exclusivement sécuritaire et punitive et s’inscrit dans un contexte global. En ce qui concerne l’échelle d’intervention, il n’est pas tant judicieux de globaliser, car les problèmes ne sont pas identiques et varient d’un contexte social et géopolitique à un autre. Il est davantage recommandé d’aborder le problème à son milieu d’origine, selon la problématique spécifique à chaque contexte

Au niveau de l’approche, il est temps de prendre conscience que l’approche sécuritaire et punitive ne peut à elle seule résoudre un problème complexe de société. Il faut impliquer la sociologie et la géographie, afin de comprendre le phénomène, ses causes, les profils des acteurs, les caractères du milieu, etc. et prévoir des remèdes dans une action de développement économique et social. Il faut garder en vue, que les gens qui prennent le risque de la mer pour éviter de pourrir sur terre, manifestent un niveau avancé de désarroi, et l’approche punitive et sécuritaire ne peut rien faire. Il faut favoriser et privilégier l’action de développement et les mesures d’accompagnement.

Références

28 août, 2013

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