
À chaque crise, l’humain s’adapte pour apporter des solutions, puisant dans son répertoire d’expériences, et usant de son génie, pour surmonter les effets de la crise et contourner ses risques. La crise offre une occasion de plus, pour renforcer la protection des espaces et des sociétés, avec des solutions réinventées, que l’homme improvise. Souvent, ces solutions s’installent définitivement, en totalité ou en partie, et amorcent des mutations profondes des modes de vie et de gouvernance. La résilience, dépend des facteurs de protection. Plus, l’immunité des espaces et des sociétés, est renforcée, plus leur capacité de résilience augmente.
Pour combattre la propagation, la solution majeure qui fait l’unanimité, s’articule autour de la distanciation sociale, de l’isolement et du repli (confinement), de la règle d’hygiène, et du contrôle sanitaire, même à distance.
Sur le plan social, on assiste au phénomène inversé, d’introversion : de l’explosion à l’implosion, à l’inverse de ce qui est arrivé, lors de la mutation des systèmes traditionnels, aux systèmes modernes. On se replie vers les intérieurs pour se protéger. On s’isole chez soi, on se retire de la foule, et on tient nos distances, pour arrêter le déplacement du virus. On revient à ce que fut la vie, dans le mode traditionnel, avant que les révolutions, urbaine, industrielle et moderne, n’imposent l’ordre des grandes foules, des grands ensembles, des métropoles, des mégalopoles, des espaces géants et des fortes densités, il y a de cela, deux siècles. La famille, comme institution sociale, reprend toute sa force, et ses multiples rôles, déclassés en partie, par l’institution publique, il y a de cela, quelque deux siècles. Un travail de réinvention d’un savoir perdu, lui est nécessaire, ce qui doit augmenter son stress.
L’humain, réagit habituellement face à la crise par trois modes successifs : le choc, au début de la crise, puis le déni, et finit par l’acceptation. À l’étape de l’acceptation, il amorce le processus d’adaptation, avec l’initiation souvent improvisée, de nouvelles pratiques, qui se perfectionnent au fil des jours, pour s’installer définitivement, en totalité ou en partie, et finissent par modifier le cours et le mode de vie.
Alors qu’habituellement, l’humain dans les sociétés modernes, passe à l’extérieur, les douze heures actives, soit 3/4 de sa vie quotidienne active, (travail, école, déplacement, etc.), contre seulement quatre de transition et huit au repos, à la maison. Il se trouve maintenant contraint d’inverser l’ordre, et de vivre, travailler, éduquer, gérer, se divertir et se reposer, à la maison, et d’y passer, confiné, la totalité de sa quotidienneté. Lorsque l’ordre de sa vie, est inversé, l’humain est choqué par le confinement, car il est déstabilisé par un mode, longtemps oublié, du temps, où la famille incarnait, groupe social et équipe de travail, où l’habitation était l’extension de la ferme, et fusionnait espace de travail et de vie, et où chaque membre assurait un rôle à la fois social, au sein de la famille, et un rôle économique, au sein de l’équipe de travail. Face à la pandémie, l’humain doit alors s’adapter, et réfléchir : comment vivre confiné dans des espaces réduits, minuscules, qui n’ont rien à avoir avec les habitations traditionnellement vastes et aérées ? Comment gérer les relations et la division du travail au sein de la famille en confinement ? Comment réorganiser la vie commune au sein de la famille ? Comment travailler virtuellement à la maison, etc. ? Comment assurer l’éducation des enfants, en remplacement de l’école, de la garderie, etc. ? Et, comment réinventer de nouveaux loisirs adaptés au confinement, etc. ?
La phase d’adaptation va susciter beaucoup de stress, de conflits, et surtout beaucoup d’incidences, aussi bien psychologiques, que sociales et économiques.
Pour les personnes seules, la pression de la solitude, va accentuer les effets de la crise. Les inégalités de revenus, les pertes d’emploi, vont à leur tour, générer leur lot de stress, surtout chez les catégories sociales, les plus vulnérables. Les moins autonomes vont souffrir davantage, à l’absence de l’aidant.
L’épreuve du confinement est une opportunité d’apprentissage, qui finit par mieux outiller l’humain et renforcer sa capacité de résilience, et surtout augmenter son autonomie.
Jamais, la solidarité n’a été aussi sollicitée, qu’en pareils moments. S’entraider avec des outils et moyens d’apaisement, pour contourner le stress, et pour dépasser les conflits. Offrir un support psychologique aux familles, pour lutter contre les effets de l’épuisement, surtout sous la pression de la crise. Soutenir les personnes et les familles dans le besoin. Soutenir les personnes dans la solitude. Aider les personnes en perte d’autonomie. La solidarité peut commencer par l’activation d’un fond de solidarité, et la mise en œuvre des bonnes pratiques d’entraide que les familles et les communautés, ont déjà développées.
Jamais l’intelligence humaine n’a été aussi sollicitée, pour trouver des réponses appropriées aux nombreuses questions problématiques : comment vivre en confinement, comment s’organiser, organiser les rôles et relations, occuper les enfants, et travailler à distance, se divertir, et combattre la monotonie, les conflits de couple et de ménage, et supporter les enfants en confinement, etc. ?
Il serait judicieux de profiter de cette opportunité, pour penser, innover, retrouver la chaleur familiale, communiquer, organiser des activités, encourager la créativité chez les enfants, jouer, lire, dessiner, jardiner, cuisiner, méditer, se motiver mutuellement, et s’amuser ensemble.
Dr Brahim Benyoucef,
Le 5 avril, 2020